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500 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 0 | 6 | 0 | Ces questions, dirigées aussi bien à l’endroit du texte de la Critique de la raison pure qu’à l’endroit de ses héritiers psychologistes, Husserl ne cesse en effet de les revisiter, comme si les variations autour de ce thème constituaient pour lui autant d’occasions de clarifier le programme de sa propre entreprise. |
501 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 0 | 6 | 1 | Elles conservent néanmoins leur importance pour le lecteur de Kant, qui peut tout à fait en réécrire le libellé sur un ton moins suspicieux. |
502 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 0 | 6 | 2 | Comment Kant peut-il vraiment affirmer l’humanité du transcendantal sans contredire ses propres prétentions, et quel est le motif exact qui se cache derrière cette qualification anthropologique à laquelle l’auteur tenait visiblement ? |
503 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 0 | 6 | 3 | En prenant appui sur l’une des principales critiques formulées par Husserl, nous aimerions désamorcer un malentendu auquel il est facile de succomber au cours de la lecture de la Critique, et montrer qu’en dépit de sa forte dimension anthropologique, l’ouvrage ne prend pour foyer de son enquête que la « raison (…) elle-même[8] ». |
504 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 0 | 6 | 4 | L’humanité de notre raison, plutôt que d’être assimilable à une évidence trompeuse que Kant aurait naïvement placée au principe de la critique, doit être comprise comme une découverte de la raison à son propre sujet, au terme de l’examen qu’elle entreprend relativement à la nature et aux limites de son pouvoir de connaître. |
505 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 0 | 6 | 5 | Dans ce qui constitue justement un renversement de l’évidence commune, l’humanité ne sert à vrai dire qu’à nommer et à rappeler une finitude qui la précède. |
506 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 0 | 0 | I. |
507 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 0 | 1 | La critique husserlienne de « l’anthropologisme » chez Kant |
508 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 2 | 0 | On se heurte rapidement, en parcourant les divers jugements critiques rendus par Husserl au sujet de la philosophie kantienne, à leur nature fluctuante et parfois carrément ambiguë[9]. |
509 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 2 | 1 | Bien qu’il soit difficile de démêler l’ensemble des raisons derrière ce curieux mélange de méfiance et de révérence, l’essence trouble de ces appréciations reflète clairement la situation particulière, comme en porte-à-faux, que le phénoménologue attribuait à Kant au sein de l’histoire de la philosophie. |
510 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 2 | 2 | À la fois l’inventeur génial d’une nouvelle manière de philosopher et l’ultime représentant de la philosophie comme science rigoureuse, Kant mérite d’abord, aux yeux de Husserl, d’être louangé pour avoir prolongé « l’esprit de la tradition platonicienne[10] » portée vers la science, et ce, à partir du « sol absolu de la subjectivité transcendantale[11] ». |
511 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 2 | 3 | C’est cependant la nature singulière de cet effort pour réaliser l’idéal ancien de la philosophie par la voie essentiellement nouvelle de la philosophie transcendantale qui dut confondre Kant : à l’occasion des bouleversements engagés par son oeuvre, ce dernier aurait perverti le sens de sa percée en se montrant coupable de l’erreur que Husserl n’a, pour sa part, jamais cessé de combattre des Recherches logiques jusqu’aux années 1930, à savoir la relativisation anthropologique de la connaissance[12]. |
512 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 2 | 4 | D’où la nécessité, pour Husserl, non pas de revenir en amont de la révolution kantienne, mais plutôt de soumettre celle-ci à une « analyse critique[13] », comme il l’écrit dans la Krisis, de sorte à en accomplir finalement la signification historique. |
513 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 4 | 0 | On en revient ainsi souvent à suivre le phénoménologue dans le dédale de ses reproches, à la dénonciation d’« un anthropologisme chatoyant ayant eu de graves conséquences métaphysiques et plaçant d’emblée le concept d’a priori, les concepts transcendantaux de facultés, le concept d’aperception transcendantale, dans une obscurité non scientifique[14] ». |
514 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 4 | 1 | C’est dire qu’à rebours d’une lecture possible de la Critique de la raison pure qui omettrait d’interroger sérieusement sa clause anthropologique, Husserl problématise pour sa part à l’extrême cette récurrence, comme s’il s’agissait d’une thèse à partir de laquelle il était possible de ressaisir puis d’évaluer la philosophie transcendantale de Kant dans son ensemble. |
515 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 4 | 2 | Selon l’indication fournie par le titre d’un manuscrit de 1908, la charge de Husserl se laisse fréquemment comprendre comme une charge « [c]ontre la théorie anthropologique de Kant[15] ». |
516 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 6 | 0 |
Le sens et la portée exacts de cette charge gagnent en clarté une fois la critique resituée dans le sillage d’un désaccord plus général, qui oppose la conception qu’entretenait Husserl de la discipline philosophique à la facture particulière de l’entreprise kantienne. |
517 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 6 | 1 | Aux yeux de Husserl, l’indice premier des limites rencontrées par Kant est le contraste éclatant entre, d’un côté, l’exigence de parfaite et de complète justification de soi inhérente à l’idée de philosophie[16] et, de l’autre, l’intangibilité patente des principales thèses aux soubassements de l’édifice critique. |
518 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 6 | 2 | Dans un manuscrit particulièrement véhément des années 1920, Husserl résume en ces mots l’idéal raté par Kant :
Une philosophie, si tant est qu’elle possède un sens propre, n’est pas simplement
science en général, mais science de la « clarté » et de la « distinction » complètes, de
la reddition de comptes ultime, qui ne tolère en aucun sens ni en aucune direction des
abysses cachés, des dimensions de problèmes négligées, ou une confusion entre des
orientations de connaissance corrélatives[17]. |
519 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 8 | 0 |
Du point de vue de l’histoire de la philosophie, c’est la signification inédite des méditations de Descartes qui aurait échappé à Kant. |
520 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 8 | 1 | L’obscurité kantienne est pour Husserl le signe d’un manque de radicalité : au lieu d’épouser l’exigence qui oblige le philosophe à n’accepter qu’un point de départ absolu, entièrement saisissable et justifiable dans l’évidence, Kant aurait choisi de faire reposer sa critique sur un domaine de faits prédonnés, pour ensuite se contenter de débusquer, sur un mode de recherche curieusement analogue à celui des sciences de la nature, les conditions qui semblent justifier ces faits. |
521 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 8 | 2 | En ce sens, c’est la méthode « régressive » et « constructive » de Kant qui permet d’accuser l’entreprise critique au regard des critères de clarté et de radicalité qu’endosse Husserl. |
522 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 8 | 3 | En entérinant un ensemble de thèses imparfaitement élucidées (que des choses nous affectent[18], que le monde ambiant de la vie quotidienne constitue une évidence[19], que la science est objectivement valide[20], qu’il existe une pluralité de sujets partageant des propriétés communes[21], etc. |
523 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 8 | 4 | ), la philosophie transcendantale kantienne ne se déploie jamais, de l’avis de Husserl, que « dans le cadre d’une considération concrète, quoiqu’universelle, de notre expérience, de notre monde de l’expérience ainsi que de nos sciences de ce monde de l’expérience[22] ». |
524 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 8 | 5 | Dit autrement, elle ne se déploie qu’à la faveur d’un certain nombre de présuppositions psychologiques ou psychophysiques gommant par leur provenance la distinction de la sphère transcendantale :
Toute méthodologie régressive « transcendantale » au sens spécifique du mot —
utilisée abondamment par Kant et privilégiée de manière presque exclusive dans le
néokantisme — opère à partir de présuppositions qui ne sont jamais visitées
systématiquement, jamais établies scientifiquement, et qui, surtout, n’ont pas été
établies sur le sol transcendantal pur. |
525 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 8 | 6 | (…) Toutes les méthodes régressives flottent
visiblement dans les airs, tant qu’un tel sol n’est pas donné et travaillé et tant que
les connaissances dont a besoin la méthode régressive à titre de présuppositions
positives n’ont pas été conquises par des méthodes progressives[23]. |
526 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 10 | 0 | La démarche ici qualifiée de « progressive » par Husserl, comme on le sait, substitue à la remontée de l’objet donné vers sa condition subjective la prise en charge initiale du rapport « d’appartenance insécable[24] » unissant le cogito au cogitatum. |
527 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 10 | 1 | Seule une clarification initiale du sol ultime de la corrélation doit garantir la possibilité d’une description complète des lois d’essence régissant la synthèse des divers domaines de l’étant. |
528 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 10 | 2 | Kant, dans la lecture de Husserl, met donc à bon droit en lumière le pouvoir synthétique de la conscience, mais le problème est qu’il conquiert maladroitement ce résultat sans s’être ménagé de façon méthodique un accès à la spécificité du transcendantal — bref, il n’a pas su voir le transcendantal comme un champ à part entière. |
529 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 10 | 3 | Alors qu’il importe, pour Husserl, de dévoiler d’entrée de jeu la vie de l’ego transcendantal ou de la conscience pure, puis de se tenir fermement dans la sphère de ses prestations afin de ressaisir le sens des évidences de l’expérience naïve, les déductions kantiennes, par leur trajectoire apparemment inversée, ne cesseraient quant à elles de brouiller les domaines d’analyses empiriques et transcendantales en recourant à « d’autres méthodes que celles qui sont prédessinées par le contenu de ce Je et de cette conscience[25] ». |
530 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 12 | 0 | C’est dans le but d’asseoir la spécificité du champ transcendantal que la philosophie husserlienne fait valoir, à rebours de la méfiance qu’entretenait Kant vis-à-vis l’introspection, la possibilité d’une présence non médiatisée du sujet à lui-même et d’une description immédiate du transcendantal. |
531 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 12 | 1 | Le paragraphe 30 de la Krisis est particulièrement clair à cet effet. |
532 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 12 | 2 | Après avoir rappelé la difficulté que pose « la doctrine kantienne du sens interne, selon laquelle tout ce qui est montrable dans l’évidence de l’expérience interne est déjà redevable de sa forme à une fonction transcendantale, celle de sa temporalisation », Husserl en appelle dans ce texte à sauver le sol apodictiquement nécessaire et ultime de la science par le moyen d’un approfondissement de la notion d’intuition. |
533 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 12 | 3 | Si Kant ne pouvait « transposer dans des concepts intuitifs les résultats de sa méthode régressive » ni envisager une démarche progressant à l’intérieur du champ infini de la connaissance transcendantale, poursuit Husserl, cela s’explique par l’état inabouti de la psychologie d’inspiration naturaliste en vogue à son époque. |
534 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 12 | 4 | Au phénoménologue informé des avancées substantielles de la psychologie descriptive, il incombe cependant de « donner un sens clair aux concepts d’un transcendantal-subjectif » et de « faire subir au concept même de l’intuitivité, à l’opposé de son acception kantienne, un élargissement essentiel (…) quitte à ce que l’intuition, dans cette nouvelle attitude, perde son sens habituel[26] ». |
535 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 14 | 0 | C’est toujours cette manière de débusquer les conditions transcendantales de la connaissance par le truchement de constructions discursives que Husserl dénonce lorsqu’il évoque, dans la Krisis comme ailleurs, la « façon mythique de parler[27] » propre au discours kantien. |
536 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 14 | 1 | Déterminé à reconduire l’objectivité aux effectuations de la conscience, Kant se voit finalement contraint, dans l’analyse de Husserl, de discourir au sujet de « facultés », de « fonctions », de « formations » qui appartiennent à « une sorte de subjectif » qu’il n’aperçoit jamais et que « nous ne pouvons principiellement pas nous rendre clair intuitivement, ni sur des exemples de fait, ni par une authentique analogie[28] ». |
537 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 14 | 2 | Or cette accusation nous place au seuil du problème de la qualification anthropologique de notre pouvoir de connaître. |
538 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 14 | 3 | Car on peut au moins se demander : « d’où Kant puise-il toute la connaissance psychologique au sujet des facultés, qu’il présuppose d’emblée dans sa critique de la raison, alors qu’il ne la présente pourtant pas comme nécessité d’essence[29] » ? |
539 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 14 | 4 | La conception kantienne des facultés transcendantales cherche sa consistance, répond en substance Husserl, dans l’acceptation d’un fait ininterrogé : celui d’une « singularité originaire (Ureigenheit) de la subjectivité humaine[30] ». |
540 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 14 | 5 | Le sujet de la révolution copernicienne, garant de l’objectivité et de la forme a priori de l’expérience, serait ainsi l’objet d’une sorte de présupposition dogmatique ayant valeur d’exemple pour toute la démarche de Kant, la présupposition voulant que ce sujet soit un sujet humain lesté de formes spécifiques ne valant que pour lui[31]. |
541 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 16 | 0 | En fédérant ses découvertes transcendantales sous l’identité d’un sujet doté de facultés spécifiques, la doctrine kantienne des facultés trahirait en somme un psychologisme tantôt tacite, tantôt plus explicite. |
542 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 16 | 1 | Elle couperait dans tous les cas l’accès à la nécessité véritable (eidétique) en anthropologisant les formes inhérentes aux facultés en jeu dans la connaissance, et en limitant de ce fait la validité de ces formes au seul domaine de la connaissance humaine. |
543 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 16 | 2 | Alors que certains textes déplorent des facultés psychiques, des propriétés purement factuelles, etc., un passage étonnant de la main de Husserl va jusqu’à laisser entendre que les concepts purs de l’entendement ne se comprennent en leur limitation anthropologique que comme le résultat factuel de la création de l’intelligence humaine par Dieu[32]. |
544 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 16 | 3 | Dans son dépassement de la lettre kantienne, cette interprétation — qui est, sans surprise, isolée — indique le coeur des réserves épistémologiques de Husserl : la reconduction de la validité des percées transcendantales à la sphère de l’être humain lui apparaissait comme une limitation naïve et injustifiable de ces connaissances a priori — sorte de preuve ultime des lacunes dans la méthode choisie par Kant. |
545 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 18 | 0 |
On voit mal, allègue Husserl, comment la clause restrictive « pour nous hommes[33] » pourrait être compatible avec l’authentique nécessité de la connaissance a priori. |
546 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 18 | 1 | Si la forme de l’espace ne dépendait véritablement que du fait de la subjectivité humaine en sa spécificité, il faudrait en toute conséquence conclure, par exemple, que l’ordonnancement spatial du divers sensible n’est jamais pour nous qu’un fait de valeur inductive[34]. |
547 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 18 | 2 | L’argument vaut bien sûr aussi pour les lois de la nature dont Kant situe l’origine dans l’entendement humain. |
548 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 18 | 3 | Une fois acceptée leur restriction anthropologique, la nécessité de ces lois paraît se muer en une mystérieuse facticité : « Nous nous sentons (fühlen) certes liés, résume Husserl, lorsque nous rendons les jugements en question, mais sans savoir véritablement pourquoi. |
549 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 18 | 4 | Le pourquoi trouve sa réponse par le recours à une facticité, à la particularité de l’intelligence humaine, qui n’est pas la seule possible[35] ». |
550 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 18 | 5 | L’impossibilité de percevoir un objet hors de l’espace, ou de connaître la nature en fonction de catégories différentes, ne serait ainsi pour Kant qu’une incapacité contingente, agissant sur nous à la manière d’une contrainte (Zwang). |
551 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 18 | 6 | Autant dire que la Critique de la raison pure repose sur une confusion malheureuse entre la généralité de fait et la nécessité eidétique. |
552 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 18 | 7 | Husserl le suggère explicitement en 1908 :
Seules des confusions expliquent la prise de position de Kant : il confond la
contrainte (Nötigung) générale, qui provient de
la particularité humaine (d’un fait) et qui ne peut être connue que par celui qui a
prouvé l’existence de cette particularité (ce qui ne serait possible que dans
l’expérience), avec la nécessité qui est vue (eingesehen) comme le ne-pas-pouvoir-être-autrement d’une chose vue de façon
générale, dans son application à un cas individuel arbitraire présenté comme
arbitraire[36]. |
553 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 18 | 8 | Si Husserl peut y aller de telles accusations et soutenir que Kant transforme les
vérités synthétiques a priori en simples « faits
généraux[37] », c’est qu’il confère à la clause
anthropologique de la Critique de la raison pure
une fonction explicative. |
554 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 18 | 9 | Par elle, Kant cherche, selon Husserl, à rendre compte de la
portée générale des facultés transcendantales et des propositions qui s’y attachent :
l’universalité de ces dernières s’expliquerait par ce simple fait que nous sommes tous des
êtres humains, et que l’entièreté l’ensemble de nos connaissances doit dès lors forcément
se plier aux conditions de ce régime d’humanité[38]. |
555 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 18 | 10 | Or,
enter de la sorte la généralité pure sur un fait, cela ne revient-il pas de manière
évidente à limiter l’universalité qui devrait appartenir au champ de la connaissance
transcendantale[39] ? |
556 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 20 | 0 |
Ainsi Husserl n’hésite-t-il pas à ranger la philosophie kantienne, du fait de cette limitation, sous la rubrique de l’« anthropologisme[40] ». |
557 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 20 | 1 | Et comme toute forme de relativisme spécifique, cette philosophie se révélerait fondée sur une incohérence couvant un scepticisme stérile. |
558 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 20 | 2 | On lit notamment, dans un écrit de 1903 qui réplique la structure argumentative employée à l’encontre du relativisme anthropologique dans les Recherches logiques, la critique suivante :
La doctrine kantienne semble impliquer le même contresens que celle de Hume ; car
la théorie : « toute connaissance humaine n’est que phénoménale puisqu’elle se range
sous les formes humaines » ne revendique pas une signification simplement phénoménale,
mais bien une signification absolue ; or cette théorie, comme toute théorie, ne devrait
avoir qu’une signification phénoménale. |
559 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 20 | 3 | (…) Nous entrons ici dans un cercle ou dans une
contradiction. |
560 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 20 | 4 | Nous ne sommes pas sauvés par Kant face au scepticisme le plus grave,
mais sommes entraînés dans un scepticisme encore plus grave que ne l’est le scepticisme
humien[41]. |
561 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 22 | 0 | On découvre sous quel angle il s’avère fécond d’interpréter l’eidétique développée par Husserl comme un effort pour inverser la révolution copernicienne par le moyen d’une « désubjectivation de l’a priori[42] », et comme un élagage systématique des thèses qui complètent le prétendu anthropologisme kantien. |
562 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 22 | 1 | De fait, aux dires de Husserl lui-même, la phénoménologie s’évertue à faire exploser les limites inhérentes à la « conscience humaine » en troquant celle-ci pour « la conscience en général[43] ». |
563 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 22 | 2 | Mais le lecteur de Kant, de son côté, s’étonne en constatant l’énorme poids qu’accorde le phénoménologue à la clause anthropologique qui ponctue le texte de la Critique. |
564 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 22 | 3 | Husserl, dans les textes cités, érige le fait humain en véritable principe explicatif au fondement de l’armature kantienne, avant de protester vigoureusement contre la restriction du champ de validité des propositions a priori exposées par Kant. |
565 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 22 | 4 | On peut toutefois poser la question, tant la logique de la critique semble aller de soi : Kant cherche-t-il effectivement à expliquer la nécessité de nos connaissances synthétiques a priori en faisant de la raison humaine le sujet et l’objet de sa Critique ? |
566 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 1 | 22 | 5 | Et du point de vue de Kant, l’introduction de la clause anthropologique dans les développements de cette Critique pourrait-elle se laisser comprendre autrement que comme l’immixtion d’une donnée ininterrogée au principe de la recherche transcendantale ? |
567 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 0 | 0 | II. |
568 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 0 | 1 | La difficile qualification anthropologique de la connaissance chez Kant |
569 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 2 | 0 | Prima facie, l’accusation selon laquelle Kant aurait expliqué le transcendantal à partir d’un simple faktum anthropologique non questionné paraît curieuse, vu l’insistance avec laquelle l’auteur stipule que les connaissances consignées dans la Critique ont été puisées « aux sources générales de la raison[44] ». |
570 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 2 | 1 | Le reproche nous plonge carrément dans l’embarras, lorsqu’on se rappelle que l’écart qui sépare la nécessité simplement subjective, qui serait assimilable à la contrainte exercée par d’hypothétiques facultés innées, et la nécessité objective, qui appartiendrait par essence aux catégories (le « ne-pas-pouvoir-être-autrement » dont parle Husserl) est explicitement thématisée par Kant dans l’une des sections centrales de son ouvrage. |
571 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 2 | 2 | De fait, au paragraphe 27 du second texte de la déduction transcendantale des catégories, Kant envisage momentanément une voie médiane pour rendre compte de l’objectivité des concepts purs de l’entendement : il se pourrait que ces concepts, plutôt que de relever de la spontanéité de l’entendement ou de la simple expérience, soient en réalité des « dispositions subjectives de la pensée », placées en nous par un créateur qui agirait alors comme garant de leur accord avec les lois de la nature. |
572 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 2 | 3 | L’hypothèse d’une « sorte de système de la préformation de la raison pure[45] » est néanmoins aussitôt rejetée, et ce, par un argumentaire qui préfigure celui-là même que mobilise Husserl dans sa critique. |
573 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 2 | 4 | « Contre cette voie intermédiaire, écrit Kant, l’objection décisive (…), c’est que, dans ce cas, manquerait aux catégories la nécessité qui appartient par essence à leur concept[46]. |
574 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 2 | 5 | » De fait, la nécessité que l’on doit accorder aux concepts purs de l’entendement serait tout simplement « fausse », si elle n’était en dernier lieu qu’« arbitraire et innée en nous[47] ». |
575 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 2 | 6 | Elle ne relèverait que de l’ordre du « ressenti » (gefühlt), une hypothèse signant la ruine du transcendantal et menant tout droit au scepticisme en fournissant à tout un chacun un motif pour contester l’application de ces catégories. |
576 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 4 | 0 | S’il ne s’agissait que d’atténuer le caractère tranchant de la critique husserlienne visant la relativisation anthropologique de la connaissance chez Kant, il ne serait guère nécessaire d’aller beaucoup plus loin. |
577 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 4 | 1 | Pour cependant mettre en place les conditions d’une éventuelle discussion véritablement féconde, un pas supplémentaire est requis. |
578 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 4 | 2 | Car que Husserl ait cherché à retourner contre Kant son propre argument ou qu’il ait tout simplement négligé la portée de cette remarque à l’intérieur de la déduction transcendantale, la critique oblige en toute hypothèse à prendre au sérieux la question qu’elle implique : comment Kant peut-il légitimement qualifier d’« humain » notre pouvoir de connaître, dès lors qu’il attache lui-même à ce pouvoir de connaître une nécessité universelle irréductible à l’organisation simplement subjective du sujet connaissant ? |
579 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 4 | 3 | La difficulté, en l’espèce, est que la signification exacte de la référence anthropologique qui traverse le texte de la Critique de la raison pure ne s’impose pas d’elle-même. |
580 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 6 | 0 | Rappelons que lorsqu’il ressaisit le travail accompli dans l’ouvrage, Kant cherche
fréquemment à désamorcer le malentendu qui pourrait mener à interpréter celle-ci comme un
examen des prestations simplement factuelles de la raison : la critique achevée, lit-on
par exemple dans la Discipline de la raison pure, passe au crible « non pas les faits de la raison, mais la raison elle-même dans tout son
pouvoir et dans toute l’aptitude qui est la sienne d’atteindre à des connaissances pures a
priori[48] ». |
581 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 6 | 1 | Ainsi Kant escamote-t-il de façon remarquable
toute référence anthropologique lorsqu’il s’agit de circonscrire explicitement les sources
de son entreprise. |
582 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 6 | 2 | La raison qui est convoquée à son propre tribunal n’est pas une raison
identifiée d’emblée comme celle de l’être humain (laquelle pourrait alors se caractériser
par telle ou telle impuissance factuelle, tel ou tel succès qu’on pourrait attester) : la
critique, comme le spécifie le passage d’où provient cette métaphore juridique, est bien
plutôt celle « du pouvoir de la raison en général (überhaupt)[49] ». |
583 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 6 | 3 | Kant n’annonce pas
l’inspection des bornes factuelles de l’intellect de l’être humain, mais bien une
recherche qui aura à se justifier « à partir de principes » et qui pourra de ce fait
engendrer une connaissance « absolument nécessaire[50] ». |
584 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 6 | 4 | Ce
serait ainsi simplifier indument le problème que de reconduire la qualification
anthropologique de notre pouvoir de connaître, dans la Critique, à un constat empirique, comme si les facultés décrites par Kant ne
correspondaient tout compte fait qu’aux déterminations tirées d’un examen des performances
cognitives factuelles d’un sujet préalablement reconnu comme humain, doté d’attributs
physiques ou cognitifs déterminés. |
585 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 6 | 5 | C’est ce que confirme du reste explicitement le texte
de l’Architectonique, dans lequel Kant sépare comme deux domaines qui renferment des
propositions hétérogènes la métaphysique (ce qui inclut la critique de la raison) et une
future « anthropologie détaillée (qui constituerait le pendant de la théorie empirique de
la nature)[51] ». |
586 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 8 | 0 | Ce dernier passage doit encore nous intéresser, dans la mesure où Kant y annonce en même
temps le déménagement de la psychologie empirique, cette « étrangère admise depuis bien
longtemps » dans le giron de la métaphysique, du côté de l’anthropologie appliquée que
nous venons d’évoquer. |
587 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 8 | 1 | Il faut en conclure que l’humanité désignée dans la Critique n’est pas non plus celle, comme on pourrait plus
raisonnablement le penser, d’un quelconque sujet psychologique qu’on reconnaîtrait comme
« humain » en raison d’une structure psychique propre. |
588 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 8 | 2 | Si les nombreux passages où Kant
distingue soigneusement ce qui relève de la philosophie transcendantale (ce qui tient « à
l’explication de la connaissance a priori ») et ce qui relève de la psychologie (ce qui
tient « exclusivement à des lois empiriques[52] ») ne
suffisaient pas sur ce point à dissiper les doutes, on pourrait encore faire remarquer que
Kant ne paraît jamais avoir été convaincu par les prétentions scientifiques de la
psychologie empirique, une discipline qu’il choisit même d’expulser hors du champ de la
science véritable dans l’intervalle qui sépare les deux éditions de la première Critique[53]. |
589 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 10 | 0 | L’impossibilité de discerner l’humanité de notre expérience en empruntant une voie empirique
constitue cependant en elle-même une indication importante. |
590 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 10 | 1 | Si le principe de ce jugement
anthropologique réside hors de l’expérience, c’est que ce principe doit être cherché à
même la philosophie transcendantale, laquelle « considère l’entendement et la raison eux-mêmes[54] », et
plus précisément encore, à même cette partie préliminaire qu’est la « critique ». |
591 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 10 | 2 | Cette
situation particulière s’accorde en effet parfaitement avec le procédé de la qualification
anthropologique de la raison : conformément à la démarche « négative[55] » de la critique, le caractère humain de notre pouvoir de connaître ne se
voit affirmé, dans l’ouvrage, que via negativa,
par la mise en évidence de ce qu’il n’est
pas[56]. |
592 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 10 | 3 | Certes, toute occurrence de l’attribut
« humain », sous la plume de Kant, ne s’accompagne pas forcément d’une telle mise en
contraste. |
593 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 10 | 4 | Il n’en demeure pas moins que seul ce jeu d’opposition permet de caractériser
notre mode de connaissance et de spécifier la raison pure sans sortir d’elle. |
594 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 10 | 5 | Notre
connaissance n’acquiert son humanité qu’à travers son insertion dans une logique
dichotomique que Kant décline de diverses manières : phénomènes/noumènes, intellectus ectypus/archetypus, intuition sensible/intellectuelle, etc. |
595 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 12 | 0 | Comme l’indique la précédente énumération, ce procédé sert aussi bien à spécifier la sensibilité que l’entendement, les formes pures de l’intuition et les catégories résumant ensemble les « éléments de la connaissance humaine qui sont purs[57] ». |
596 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 12 | 1 | Ainsi, ce qui permet d’affirmer, dans l’Esthétique transcendantale, que les formes du temps et de l’espace valent « pour tout sens humain en général[58] », ce n’est pas tant le double argumentaire des expositions métaphysique et transcendantale — elles établissent l’idéalité transcendantale des formes — que la construction d’une opposition bien connue entre l’intuition sensible et un autre type d’intuition. |
597 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 12 | 2 | Notre intuition ne ressortit à l’humanité qu’une fois reconnue en sa différence, voire en son retard (elle est dite « dérivée »). |
598 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 12 | 3 | Le mode sensible de l’intuition « n’est pas originaire, c’est-à-dire tel que par lui l’existence même de l’objet de l’intuition soit donnée (mode qui, autant que nous puissions le voir, ne peut revenir qu’à l’Être suprême), mais (…) il est sous la dépendance de l’existence de l’objet[59] ». |
599 | Philosophiques | Jean-Christophe
Anderson | 2023 | Kant, Husserl et la question de l’humanité de la connaissance | 2 | 12 | 4 | Loin de nous être remise d’emblée, l’humanité de notre intuition ne se remarque ainsi que par le détour d’une seconde intuition, qui, elle, s’impose comme étrangère du fait qu’elle incarne la négation même des conditions restrictives de la connaissance. |